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  Théophile Obenga [1] approche cette désignation de l'idée de danse  idée contestée par Cheikh Tidiane Ndiaye. 
"En effet,  le rapprochement du mot égyptien ancien bn.t « harpe »  du mot mbosi bina « danser »  ne me semble pas très plausible sur le plan sémantique car, s’il est vrai qu’il  y a des instruments de musique pour accompagner la danse, il n’en reste pas  moins vrai qu’il y a aussi des instruments de musique qui n’ont pas tellement  de rapport avec la danse. Pour ma part, j’aurais plutôt rapproché le mot  égyptien pharaonique bn.t« harpe »,  qui peut être lu *bĭnă-t « harpe »,  du mot indien vīnā (bien  récrire ce mot) « luth ou harpe ». Ce rapprochement est séduisant  pour plusieurs raisons: 
1. La  consonne finale -t du mot,  égyptien bn.t « harpe »  est une marque du Féminin, qui « n’est pas essentiel(le) à la structure du  mot » (comme M.T. Obenga lui-même le fait remarquer à Cheikh Anta Diop  (cf. op. cit., p.267).... " 
BNT: si l'on devait traduire ce terme au regard du vocabulaire radical hébraïque, avec BN: se déploieraient  toutes les idées de fils, de formation, corporisation, construction. L'arabe  développe les même acceptions que l'hébreu. Avec NT celles-ci diffèrent: 1. Hébreu: toutes idées de nutation, d'inflexion, d'inclinaison, de liaison, tant au sens propre qu'au sens figuré, de là: tout espèce de rejeton, de verge d'osier, de liant propre à tresser, à nouer, à natter. 2. Arabe, par le verbe   caractérise tout ce qui fait effort pour s'éloigner d'un point où il s'est arrêté; c'est en particulier, sauter, s'échapper, s'émanciper. On entend par  ou   l'état d'une chose suspendue, éloignée du point vers lequel elle s'incline. Le chaldaïque   signifie proprement excentrique. 
En égyptien, 18 verbes expriment l'action de danser. L' idée d'extension décrite plus haut semble soulignée, dans la fresque du Mastaba d'Ankhémor par un groupe de 5 danseurs, le pied droit par dessus tte, arque boutés en arrière font face à un ensemble de pleureuses et d'hommes feignant le trépas. 
 
   
  D'après. J.Capart, une rue des tombeaux, pl. LXIX et LXXL. 
  
  
    
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      D'après. J.Capart, une rue des tombeaux, pl. LXIX et LXXL.  | 
     
   
  
 
Ces deux tableaux figurent l'acte de résurrection d'un corps mort par une extension, un échappement, une émancipation: celle d'Osiris: "..Osiris est toujours inerte. C'est alors qu'Isis accomplit un miracle en se faisant féconder par un mort dont elle ré sus site la virilité: Ta soeur Isis vient vers toi, en se réjouissant ]à cause de ton amour. Tu la places sur ton phallus..." [2] 
  Mais auparavant: "les portes du ciel étant ouvertes, c'est Isis, la soeur d'Osiris, la souveraine de la ville de Pé...ces âmes de Pé* dansent, frappent des mains et implorent Osiris de revenir, de se réveiller, et de revivre". 
  * Âmes de Pé: capacité de manifestation de cette, ces "villes" avec Neken. "Elles dressent et dorent  l'échelle qui permet au roi d'atteindre les hauteurs célestes". 
  Ce passage évoque le battement du coeur de la vile, entre ouverture et fermeture - Nekhen et Pé, ou principes des nombres en action [2], devant être associés au verbe, son, musique pour transformer Pharaon "en être de lumière", lumière dans le sens de perçu comme réel, palpable, vivant, reflétant la lumière. 
  
  
    
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        Les âmes de Pé, figurées par un faucon, la main fermée et pointée vers le ciel. 
         
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 C. Jacq: 
 
  Pé et la puissance vitale: 
"le ka est une faculté transcendante ; c’est qui fait monter la  puissance vitale du pharaon  vers pharaon, vers lui, à son côté. Le ka de Pharaon est Dieu et derrière le roi qui élève lui-même son ka.... Le lieu terrestre du ka est révélé : c’est la « ville » sainte de Pé, dans le  Delta, en réalité une butte sacrée isolée dans une zone aquatique où l’on se  rendait rituellement en pèlerinage : 
  Les  puissances vitales se trouvent dans Pé, 
  Les  puissances vitales se trouvent vraiment dans Pé, 
  Les  puissances vitales existent continuellement dans Pé, 
  La puissance vitale de Pharaon se trouve dans Pé.                           
  Pharaon descend dans « le champ de son ka » où il reçoit une vie bien plus longue qu’une année et des offrandes alimentaires  plus abondantes que le Nil. C’est le ka du pharaon qui lui apporte cette abondance pour la consommer en sa compagnie.  Le ka mange du pain..." 
Le mystère de la résurrection divine: 
"Les dieux de Pé manient des bâtons, se  frappent le corps pour Osiris, tapent dans leurs mains, secouent leurs cheveux  et lui disent : « Va, viens, éveille-toi, dors, tu es stable dans la vie ! »  Osiris est debout, il voit et entend ce que son fils Horus a fait pour lui.  Horus frappe qui le frappe, lie qui le lie, place Osiris sous sa  fille aînée. La mort est vaincue, les portes du trépas s’ouvrent : la  tombe est ouverte pour toi, les portes  du sarcophage sont tirées pour toi, les portes du ciel sont ouvertes pour toi." 
Nourritures célestes: 
" Le  pain des dieux est le pain de Pharaon, pain divin qui si se  trouve dans la salle large, pain parfait préparé dans (la « ville »  sainte de) Pé. Ce pain (t) équivaut à la  Terre (ta) primordiale,  c’est-à-dire le site d’Abydos, lieu de la célébration des mystères de la résurrection, au terme de  laquelle le ritualiste dit au roi : prends  ce pain qui est tien, je te le donne, je  suis ton  fils, ton héritier...." 
  
La harpe angulaire 
  
    
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      Bès à la harpe, foulant la règle ou base   | 
      
        Harpe angulaire. -1500. Le Louvre 
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Congo, la harpe Ngombi 
  
Vers l'esprit des ancêtres 
 
 "le culte Bwiti, encore pratiqué par les Fang du Gabon considère la harpe comme "pirogue de vie" qui permet à ses adeptes de remonter le cours de la mythique rivière Mohogwé jusqu'au monde où vivent les esprits des ancêtres" 
"Sans qu'il soit possible d'installer le schéma d"un retour cyclique, naître c'est mourir, mourir c'est naître comme autant de portes à franchir (7fois)." [3] 
  
  
    
  Au gré du Web, propos modernes sur l'usage du Ngombi:  
  "Qui est le Ngombi ? Ngombi, c’est la harpe [4] . C’est un instrument à huit cordes issu de la tradition pygmée du Gabon, sculpté en bois au corps de femme appelée " Ma Ngombi ". A chaque cérémonie, ces deux instruments ne manquent pas : le moungongo  joue la nuit et Ma Ngombi joue la journée. Elle est en contact direct avec le soleil. Lorsque le novice initié est dans son voyage pendant la journée, il est indispensable que la harpe joue pour son bien-être. Les vibrations de l’instrument vont apaiser et accompagner l’initié dans son voyage de jour.  
  Elle   est la déesse mère de la forêt, c’est parce que c’est une mère qui a perdu son enfant et qui est partie à sa recherche dans la forêt. Pendant des jours et des nuits, des années et des lunes, elle ne cesse sa recherche. Une nuit, la lune vient à sa rencontre lui apporter un message. La femme s’appelait Maroundou et elle entendit une voix provenant de la chute l’appeler par son nom. Elle suivit cet appel jusqu’au bord de chute puis traversa les eaux de la chute jusqu’à une grotte. Une sirène vivait dans cette chute. Elle fit boire à Maroundou une potion magique qui lui permit de remonter dans le temps et de voir la disparition de son fils. 
  Pendant ce temps, la sirène s’était transformée en déesse à huit cordes pour accompagner le voyage de Maroundou de son chant. Revenue de son voyage, la sirène était partie, mais sur le rocher, il y avait une harpe sculptée au corps de femme. Elle sortit de la grotte avec la harpe, et fut accueillie par une tribu pygmée qui l’attendait avec son fils. {Interview de Savoir d'Afrique)" 
  LE BWITI DU GABON 
  Arc musical mungongo [5] , cordon ombilical du monde et 
    harpe ngombi, voie d'accès aux mystères  
  L'arc musical mungongo et la harpe ngombi sont les  
    deux instruments principaux du culte bwiti du Gabon. 
  L'arc musical, principe mâle, est le symbole de la parole  
    de l'ancêtre et il représente le géniteur. 
  La harpe, principe femelle, symbolise le corps d'une  
    femme et le visage de l'ancêtre-mère. 
  La harpe ngombi possède huit cordes qui sont le fruit de 
    sa fécondité. Le premier ancêtre, Disumba (la mère),  
    est ici représentée par la tête sculptée. 
  Dans les cérémonies, le chant de la harpe fait comprendre aux initiés le sens profond des récits hermétiques. Elle en est l'interprète et le médiateur. Dans le mythe d'origine, le "village d'en haut" et le "village d'en bas" sont reliés par une corde: mungongo et ngombii symbolisent ce lien originel entre le monde spirituel et le monde des hommes, ainsi que le passage de la nature à la culture. 
  La harpe ngombi est un instrument sacré lorsqu'elle est intégrée au rituel bwiti,mais de nos jours, il existe également un répertoire profane" 
  "Harpe anthropomorphe à huit cordes. Cet instrument de musique, utilisé surtout dans les rites de la société Bwiti, est la représentation du corps de la femme dont le premier ancêtre Disumba est figuré par la tête sculptée à l’extrémité du manche". 
  "Sa musique est assimilée aux sanglots des morts qui vont passer du monde terrestre à celui de l’au-delà. Sa voix est également celle des génies et celle du ronflement des chutes d’eau où vivent les génies". 
    
    
  Liens et bibliographie: 
  [1] http://www.ankhonline.com/nubie_egypte/nubie_egypte_contexte_negro_africain.htm  
   
  [2]  La tradition primordiale de l'Egypte ancienne, selon les Textes des Pyramides. Ch. Jacq. Sethe: 632a- 633b: . http://www.lib.uchicago.edu/eos/html/page.form.html. (Sethe, Kurt. Die Altaegyptischen Pyramidentexte nach den Papierabdrücken und Photographien des Berliner Museums. Leipzig: J. C. Hinrichs'sche Buchhandlung, 1908.) [2b]Ch. Jacq, p.179 et suiv.: la science des nombres. Sethe: 600c.,204. 1,309e, 447b. 
   
   
  [3]Le shème de la naissancel à l 'envers, scénario initiatique et logique de l'inversion. 
    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1988_num_28_110_1674 
  [4] . Harpe ngombi  .    photo: Julien Bonhomme  
     et bibligraphie commentée: http://julienbonhomme.ethno.free.fr/Texts/Biblio_Gabon.pdf 
     
    [5]  "arc à bouche,   fait de matière végétale. Il est composé d’un bois plié en forme de demi-lune, tendu par une liane qui fait la diagonale. Pour faire raisonner l’instrument, on utilise une tige de paille à la main droite et une cale en bois dans la main gauche pour construire les notes. Les mélodies qu’il permet de réaliser sont une forme de langage pour les initiés ; par la pensée, les sons émis par l’arc deviennent de véritables messages compréhensibles par les seuls initiés. Le mogongo représente également le cordon qui relie l’esprit des vivants aux ancêtres". 
 
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